BAMENA est un village du Cameroun dans la Région de l'Ouest (nom officieux traditionnel = Binam "Ouest" étymologie PI = éteindre, couper et NAM = Soleil) situé dans le département du Ndé (NDE = Noblesse Dignité Elégance) sur la route de Bagangté vers Bafang, à distance d'environ 263 km de Yaoundé (capitale politique et administrative du Cameroun), de 236 km de Douala (capitale économique et portuaire du Cameroun) et de 47,5 km de Bafoussam (capitale régionale de l'Ouest-Cameroun)
Voici ci-dessus une vue panoramique depuis Bamena (hameau de Louh) en direction de la chaîne de montagnes du mont Batchingou (le plus haut : 2.097 m d'altitude)
Voici quelques vidéos Youtube reportages sur Bamena : cliquez sur le petit logo de la chèvre de l'Association "Bamena Ndé Bamiléké Cameroun" :
Survol aérien de Bamena : Architecture Bamiléké : Culture Bamiléké :
Voici un site qui illustre la vue panoramique de ce qu'on peut voir à partir du sommet du mont Batchingou : on peut faire le tour de toutes les montagnes avoisinantes et même Pouo'Loum à 1.630 m d'altitude parmi les points signalés ; même le mont Cameroun est visible de là-bas : https://peakvisor.com/peak/mont-batchingou.html?yaw=-158.39&pitch=-7.06&hfov=60.00
Bamena, en langue locale "Lah Mènoh", est une chefferie et un village du département du Ndé dans la région Ouest du Cameroun, région Bamiléké ou Binam, "Pi-Nam" signifiant dans la plupart des langues bamilékées "coucher du soleil" donc "Ouest".
Voir le lien avec Wikipédia concernant le village de Bamena : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bamena
Voici reportage culturel très intéressant, l'interview du chef Bamena : expliquant la culture, les rites et traditions locales sur Youtube :
EMBLEMES et COULEURS de BAMENA :
L'emblème de Baména est la chèvre. La première photo est celle de la statue de la chèvre sur la place principale de Bamena (à droite) ; au centre, la chèvre a servi de repas à un deuil... D'ailleurs la plupart des préparations culinaires y sont faite avec la viande de chèvre, notamment le Kondrè, sorte de potée de bananes et de chèvre avec une sauce riche en huile rouge de palme.
Le vêtement et tissu emblème du village, tout comme celui de tous les villages de l'Ouest, est le NDOP, étoffe bleue aux motifs géométriques blancs, traditionnelle et largement utilisée dans la culture des Bamilékés et des Bamouns. Voici une vidéo explcative de la signification du Ndop : https://www.youtube.com/watch?v=UH2vTUBHFtY&list=PLQsqV0BBhfwZEJVq6cYIS7m3nut7wECho
Voici ci-dessous un tapis NDOP traditionnel, une tunique "boubou ndop" et un tabouret aux motifs rappelant le Ndop, photographié dans une ancienne maison à Bamena :
Institutions traditionnelles de Bamena :
La chefferie se compose à Bamena, d'une chefferie principale et six "chefferies de quartier", soit une pour chaque village de l'entité territoriale de la chefferie :
- le Chef supérieur (ou "Roi") appelé "Feùh" (dans les autres villages bamilékés on dit "Mfeu, Feu, Mfo, Foa, Fon" ou "Mfon" selon les variantes dialectales - à comparer avec les langues bantoues jusqu'au Swahili Comorien où le mot Roi se dit "Fani") est le "souverain" de la chefferie, comparable aux ducs, comtes et barons d'ancien régime chez nous.
La chefferie est, au yeux de la loi camerounaise, une chefferie du 2° degré, puisque le législateur camerounais a décidé pour seconder des municipalités locales assez peu organisées, de considérer les chefferies commes "auxiliaires de l'Administration". C'est un peu comme si en Belgique on avait intégré les seigneuries d'ancien régime dans la législation actuelle, ce que nous n'avons pas fait sauf au niveau national ou fédéral : la monarchie constitutionnelle belge est en fait, la "grande chefferie de Laeken".
Le Chef actuel s'appelle Alexandre Joukwé. Les chefs successifs de la dynastie du XX° siècle sont Ngongang II (19??-1939), Wandji IV Ngongang (1939-1968) et Jacques Nietcho (1968-1997) ayant précédé le chef actuel, toutefois on peut consulter l'ancienne dynastie de Bamena sur les deux sites suivants, avec des divergences sur l'ordre et les noms de la dynastie, les dates s'étalant depuis le XVIII° siècle n'étant pas connues avec précision : Association des Bamenas d'Europe ABE : http://www.bamena.fr/histoire-de-bamena.html et page Bamena sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bamena
La dynastie figure sur un tableau à l'entrée de la chefferie, devant le "parlement" (salle du Conseil des Neuf) de Bamena, et elle ne semble pas complète (1) car de plus anciens chefs ont existé à Bamena. D'après le témoignage d'un enfant de la Chefferie, il existait plusieurs anciens chefs dénommés Zawang (chef "de facto" des 5 clans Bamena), son frère Soungang père de Tchaptchop, lui-même père de Ouandmegni premier cité sur le tableau ci-dessus. A l'intérieur de la grande salle se trouve un portait du chef actuel Alexandre Joukwé.
(1) La chefferie Bamena comporte 16 générations de chefs depuis les premiers notables chasseurs installés sur le territoire de Bamena au XVIII° siècle. Mais on compte onze générations à partir du chef TCHAPTCHOP et la reine KOUAMNWOU, simplement parce que c'est avec ce couple que Bamena s'est reconstruit après la guerre intervillages pour conquérir les limites de terres et le peuple Bamena de l'époque ancienne fut exterminé avec la mort de plusieurs fondateurs puis la vente du plus robuste et de sa famille aux Blancs comme esclaves. Tchaptchop et Kouamnwou ayant échappé à la vente d'esclaves, sont allés se réfugier dans un petit village appelé Baloumgou, d'où les liens de fraternité furent créés et ce peuple, par la voix de leur chef, aidera le couple royal à reconstituer leur territoire et à le repeupler. C'est pour cela que certains considèrent que la refondation TCHAPTCHOP & KOUAMNWOU du village est le point de départ de la dynastie, qui est en réalité plus ancienne.
Voici une interprétation des personnages sculptés sur ce siège de la Chefferie : Le chef supérieur Soungang au XVIII° siècle, qui a gagné le concours de Zawang avec sa chèvre volée, est probablement représenté sur ce siège accompagné de ses deux compagnons Zacheu et Zawang, restés à Bamena pour le seconder. Sous le siège sont sculptés des chèvres et des félins (léopards, panthères).
- le Conseil des Neuf Notables ("Kepvueuh" assemblée, sorte de Sénat +/- héréditaire comprenant en fait bien plus que neuf membres puisqu'ils sont actuellement plusieurs centaines reprenant les descendants légitimes successifs des anciens notables fondateurs du village) est le "Parlement" de la chefferie. Ce "Sénat" a le pouvoir exceptionnel de destituer le chef en place en cas de problème grave, et de désigner un nouveau chef. On peut en quelque-sorte dire par analogie avec la constitution américaine que c'est une sorte de "procédure d'impeachment" très exceptionnelle, un peu comme celle que le président Nixon a failli subir suite à ses mensonges sous serment lors de l'affaire du Watergate.
Salle du Conseil des IX ou "Kepvueuh" sur la grande place de la Chefferie ; on distigue au fond (centre) le portrait du Chef supérieur Alexandre Joukwé (ci-dessus)
- le Conseil des Sept Notables "Kepsamba" est l'exécutif de la chefferie, sorte de "conseil exécutif" accompagnant le chef dans le gouvernement local. Ce "gouvernement" comprend les six chefs de quartiers plus un chef de quartier du ressort de Bagangté dont l'appartenance territoriale à Bamena est contestée par la chefferie voisine. Leur rôle correspond plus ou moins aux "bourgmestres et régents" ou "régleurs" sous l'ancien régime chez nous. Cette institution avait pris place sous l'ancien régime dès que les échevins avaient perdu leurs attributions administratives fin du moyen-âge pour assumer leur seul rôle judiciaire.
- les chefs de quartiers (au nombre de six), également appelés "feùh" sont administrateurs et officiers de police chacun dans son village, et sont héréditaires. Ils sont en quelque sorte "les yeux et les oreilles du chef" dans les villages éloignés. Leur rôle (mais pas leur mode d'élection) fait penser aux "forestiers" sous l'ancien régime chez nous, avec en plus, collectivement, un rôle de "gouvernement" de la chefferie (voir conseil des Sept).
Portes intérieures en bois sculpté de la grande salle du Conseil des Neuf, ainsi que du secrétariat du Chef supérieur
- le Tribunal Coutumier est le pouvoir judiciaire (uniquement en matière de biens fonciers, de successions et de litiges de voisinage, sous réserve d'appel aux tribunaux réguliers). Il est exercé par une chambre à 3 juges : le Chef, conjointement avec un juge-président et un juge-censeur. Le Chef est juge de droit, il désigne le président et le censeur qui siègent avec lui. Cela a pu poser des problèmes dans la mesure où le droit coutumier est généralement assez différent du droit civil de la loi camerounaise plus proche des principes napoléoniens du droit français. La coutume de la chefferie ne peut donc être prononcée valablement qu'en cas d'accord des parties sur ce droit coutumier ou de silence de la loi sur le sujet concerné et jamais en contradiction avec la Loi. Le rôle de cette justice ressemble un peu au "tribunal des Echevins" dans les seigneuries foncières de l'ancien régime chez nous, cependant c'est une chambre à trois juges, un peu comme pour la justice de référé ou la justice du travail en Belgique.
La société Kougang utilise fréquemment un masque éléphant qui est représenté à sur les murs de la Chefferie Bamena, ainsi que dans un linteau en bois de la porte gauche du portique principal ; la danse Kougang est représentée sur une gravure ci-dessous, cela fait un peu penser à certaines traditions ésothériques européennes comme dans le film "le Maître de Musique". D'ailleurs l'éléphant est progressivement devenu l'emblème du Kamerun allemand, voici ci-dessus à droite un projet allemand de drapeau pour le Kamerun datant de 1914, début de la seconde guerre mondiale.
- Beaucoup d'autres institutions ou structures, appelées généralement "sociétés secrètes" en raison de la confidentialité et du huis-clos qui y est de rigueur, existent pour remplir les différentes fonctions politiques, sociales et religieuses dans la chefferie. Je cite par exemple :
1. la société secrete des Maedjong, chargée du maintien de l'ordre dans le village et de sa défense contre les menaces internes ou externes : c'st une sorte de milice ou de police, garde bourgeoise de la chefferie. Ils exécutent une danse sacrée vêtu de tenues complexes et variées, comprenant des crânes de singes, des coquilles d'escargots et autres grelots...
2. on peut aussi citer les Kougang chargés d'exécuter la danse sacrée qui à l'origine se fait à huis clos car cette danse est "secrète" puisque c'est une activité à caractère "magique", une action collective de sauvegarde pour le village. Le président de la société Kougang s'appelle Takou. Leur fonction est également celle de sorciers et guérisseurs : cela suppose de bonnes connaissances du pouvoir médicinal des plantes, ainsi que des forces de la nature, réelles ou occultes.
L'entrée de la chefferie a été complètement recouverte de peintures artistiques, réalisées par l'artiste Prince Elie Ange : https://e-patrimoinesafricains.org/patrimoinesafricains/peinture-sur-mur-chefferie-bamena-rdc-4/
Voici quelques photos prises sur place durant le mois d'août 2024 pendant le Congrès international des Bamenas, mises en pèle-mèle :
Le mégalithisme en pays Bamiléké : les deux menhirs de Bamena
Il est difficile de dire l'âge exact des menhirs (du Breton "maen" = pierre et "hir" = long) dressés devant le portail principal de la chefferie Bamena côté gauche : contrairement à ce qui est écrit sur la photo pèle-mèle ci-dessus la hauteur du plus grand menhir est de 2 m 20 et celle du petit de 1 m 00. J'ai surévalué à l'oeil car ils sont plantés au sommet d'un talus, et le plus grand des deux est légèrement incurvé de profil, et taillé en pointe biface vu de l'avant. Ils devraient dater des débuts de la chefferie, soit probablement au milieu du XVIII° siècle, à moins qu'ils ne soient baucoup plus anciens, car dans l'Ouest-Cameroun et le Nord-Ouest, les plus anciens remonteraient au moyen-âge, et les plus grands peuvent dépasser 5 à 10 m de haut, n'ayant rien à envier à ceux de Carnac en Bretagne.
Voici un travail très élaboré, réalisé par Jean-Paul NOTUE de l'Université de Yaoundé sur le site Afrique-Archéologie-Arts : LE MEGALITHISME AU GRASSLAND (CAMEROUN OCCIDENTAL) - Etat des Connaissances - Nouvelles Découvertes et Perspectives : https://journals.openedition.org/aaa/843
Il reprend un dessin d'Olivier Timma de 2008 réalisé à partir d’un cliché Fichier Iconographique National de l’Art et l’Artisanat du Cameroun, Mégaptché. Voilà l'intégralité du travail de Jean-Paul NOTUE en dossier PDF : Le megalithisme au grassland cameroun occidental (5.89 Mo)
Photo des menhirs de face ; dessin de 1982 réalisé par Olivier Timma publi par Jean-Paul Notué ; photo de profil où on voit bien la courbure du grand menhir.
La légende de la fondation de BAMENA, les premiers notables à l'origine des chefferies de quartier et le vol de la chèvre :
La fondation du village de Bamena démarre sur l'implantation de chasseurs, un concours de chasse pour départager le futur chef, et non pas un mais ... deux vols de chèvres ! Eh oui, nous avons mené l'enquête auprès de Jojo, un des enfants de la chefferie, qui nous a raconté tout le déroulement des faits. Tout commence dans le cadre forestier et rural de Bamena, dans une forêt remplie de gibier, malheureusement cette année-là il y a eu une pénurie de nourriture...
Bamena sous la brume en pleine nature, dans la campagne du quartier de Louh
0. l'ancêtre WAMI : A l'origine au XVIII° siècle, le site de Bamena est un endroit inhabité ou peu habité, forestier et bien pourvus en gibiers de toutes sortes. Cela explique l'étymologie probable de Bamena (Ba- étant un préfixe rajouté par les Français), Lah Ménoh signifie "domaine giboyeux". Dans son intervieuw dont le lien figure ci-dessus, le Chef supérieur signale que l'ancêtre et premier arrivant à Lah Ménoh était un certain WAMI avec ses frères et puis les familles entières, lesquelles venaient de Baleng, Balengou, Baloum et Bangou ; Les notables et chefs de famille qui ensuite se sont installés sur les lieux, et sont probablement à l'origine de plusieurs chefferies de quartiers, étaient au nombre de cinq : dans l'ordre de préséance et d'ancienneté probablement, ou d'aînesse dans la mesure où l'enfant de la chefferie qui nous a informé pense qu'ils étaient des frères :
1. ZAWANG : c'est le premier "chef supérieur" mais "primus inter pares" : il commandait tout le monde même si les autres notables étaient ses égaux. C'est lui qui a mis en place la "procédure" de concours de chasse au gibier pour désigner un nouveau chef pour lui succéder, qui donna lieu ensuite au premier vol de chèvre. Il est vraisemblable que Zawang soit à l'origine de la chefferie de quartier de Langweuh.
2. SOUNGANG : c'est le "vainqueur" du concours de chasse au gibier organisé par Zawang, destiné à promouvoir un nouveau chef mais aussi à nourrir le village suite à une disette. Le vainqueur eut l'idée, pendant que ses concurrents étaient partis à la chasse, de ramener une chèvre qu'il avait volé à Batcha à des bergers nordistes qui y faisaient paître leurs troupeaux mais sans grande surveillance malheureusement. Après sa victoire contestée par les autres, mais acceptée par Zawang suite à une défaillance dans le règlement du concours, il n'avait pas été précisé s'il fallait de la viande de brousse ou de la viande d'élevage, et comme Zawang et les siens avaient déjà mangé, Soungang fut donc intronisé chef successeur de Zawang. Tous les autres repartirent à Baleng ou ailleurs pour d'autres aventures ou fonder d'autres chefferies, sauf Zacheu (chef de Pozou) et Zawang (chef de Langweuh) qui restèrent à Bamena avec Soungang.
Maison traditionnelle Bamiléké, entourée d'un bocage de bananiers et d'un potager de haricots, d'arachides et autres plantes comestibles.
3. NZO'OH : il y a peu d'information sur ce notable, il s'agit probablement de celui qui est à l'origine de la chefferie de quartier de Louh, car il est dit qu'un guerrier revenu de Baleng ayant transité par Bangoulap, s'est installé à Bamena, il était peut-être descendant de Nzo'oh et s'appelait Nzo'oh-Kenou et avait, avec son sens de la stratégie, encouragé et aidé un chef ultérieur Ouandmegni à lutter contre des Blancs non-identifiés (s'agissait-il de portugais en cette fin du XVIII° siècle ?) et même à les chasser de Bamena. Zo'oh-Kenou ou Nzo'oh-Kenou a eu une fille appelée NGO'SO (nom signifiant "début de l'histoire") qui est devenue ensuite la reine Mefeuh PAYO commandante des guerriers. Le ndap "Ngo'so" est depuis lors devenu un ndap important pour les filles originaires de Louh, et elles sont nombreuses.
4. ZAFENG : c'est l'ancêtre des familles SANGOUKO à la 2ème génération, NGOUNYAP, TCHOUNANG (SaTcheunang), NDINANG et NGANWA aux générations suivantes successives. Voir les arbres généalogiques ci-dessous où se trouve mentionné comme ancêtre de ces familles "Mekep Zafeng" !
5. ZOUSSOUGANG (NZO'OH SOUNGANG) : il y a peu d'informations sur ce notable qui a pu se confondre avec le n°3 et qui peut également être celui qui est à l'origine de la chefferie de quartier de Louh, car il est dit qu'un guerrier revenu de Baleng ayant transité par Bangoulap, s'est installé à Bamena, il était peut-être descendant de Nzo'o et s'appelait Nzo'oh-Kenou et avait, avec son sens de la stratégie, encouragé et aidé un chef ultérieur Ouandmegni à lutter contre les Blancs comme il est précisé ci-avant pour le notable n°3. Peut-être s'agissait-il d'un membre des mêmes familles que Nzo'oh et Soungang cités en 2 et 3, famille(s) qui gouvernai(en)t plusieurs chefferies de quartier ?
Les chefs probables des premiers temps au XVIII° et début XIX° siècles, et leurs descendants bien connus jusqu'à maintenant :
1. ZAWANG : Un des notables chefs de famille venu de Baleng, dont le roi était lui-même issu de père Bamoun, devenu commandant "primus inter pares" cède ensuite son pouvoir à Soungang.
2. SOUNGANG : Il est arrivé au pouvoir après le vol de chèvre, avec le soutien de Zacheu et de Zawang qui sont restés à Bamena. Son oncle Nzachi est venu de Baleng (d'où la famille était originaire) car il fallait un nouveau roi à Baleng, leur frère, chef de Baleng, étant mourant.
Siège de la chefferie à gauche : sur le dossier on voit, d'après notre interprétation, Feùh Soungang le "voleur de chèvre", son adjoint Feùh Zacheu et son prédécesseur et adjoint Feùh Zawang. Au centre : statuette de type "Tchaptchop" représentant un ancêtre royal provenant d'une chefferie non-identifiée de l'Ouest, vendue aux enchères par le site Art Africa, et à droite : une autre statuette royale de type "Tchaptchop" provenant de Bafoussam, vendue par la Galerie Drouot.
3. TCHAPTCHOP : Le fils de Soungang s'appelait bien Tchaptchop, ayant épousé KWAMNWOU, reine originaire de Bangoulap. Son nom n'est pas comme le signalent plusieurs sites Bamena, un simple surnom de la statuette le représentant, mais bien, comme nous l'a signalé Jojo, l'enfant de la chefferie qui nous a informé, son véritable nom de chef supérieur, Feùh Tchaptchop ! Certains considèrent TCHAPTCHOP & KWAMNWOU comme les refondateurs du village Bamena suite à une guerre intervillage et à la traite négrière car si la chefferie Bamena comporte 16 générations de chefs depuis les premiers notables chasseurs installés sur le territoire de Bamena au XVIII° siècle, on compte onze générations à partir du chef TCHAPTCHOP et la reine KOUAMNWOU, simplement parce que c'est avec ce couple que Bamena s'est reconstruit après la guerre intervillages pour conquérir les limites de terres et le peuple Bamena de l'époque ancienne fut exterminé avec la mort de plusieurs fondateurs puis la vente du plus robuste et de sa famille aux Blancs comme esclaves.
Tchaptchop et Kouamnwou ayant échappé à la vente d'esclaves, sont allés se réfugier dans un petit village appelé Baloumgou, d'où les liens de fraternité furent créés et ce peuple, par la voix de leur chef, aidera le couple royal à reconstituer leur territoire et à le repeupler. C'est pour cela que certains considèrent que la refondation TCHAPTCHOP & KOUAMNWOU du village est le point de départ de la dynastie, qui est en réalité plus ancienne.
4. OUANDMEGNI : Fils de Tchaptchop, frère jumeau du fondateur de Bazou et frère cadet du fondateur de Bangoulap. Il aurait épousé la reine BOUBIHI. Pour pouvoir être intronisé chef supérieur, il a commis un vol de chèvre, comme son grand-père, et a subi la sanction de l'amputation d'un doigt pour ce second vol de chèvre de l'histoire de Bamena !
La chèvre volée, la double cloche et le lion symbolisent le pouvoir de la Chefferie & devant l'ancienne concession familiale Ma'ah-Kwangwa : Jojo, mémoire de la Chefferie
C'est sous son règne que vint s'installer à Bamena (Louh) le grand guerrier ZO'OH-KENOU qui a aidé par ses connaissances stratégiques, les Bamenas à lutter contre les premiers Blancs (Portugais, Allemands déjà ?) : il était l'instructeur des guerriers Ma'nchous (combattants de première ligne) et Gna'nchous (officiers chargés de la stratégie, qui géraient la guerre depuis les lignes arrières du front). On pourrait alors dire que "Le Gna'nchou se battait donc jusqu'au dernier Ma'nchou" pour paraphraser les va-t-en-guerre planqués qui envoient les pauvres soldats en première ligne dans certaines guerres que je ne citerai pas !
Au décès du chef Ouandmegni (lequel n'avait plus que neuf doigts comme dit plus haut, y a-t-il un lien avec les neuf notables ?), le notable NZACHI venu de Baleng, convoque tous les notables, enfants de la chefferie, et leur propose une élection pour désigner le successeur : c'est à ce moment que le Conseil des Neuf ou KEPVUEUH se met en place définitivement à Bamena et transforme de fait la monarchie Bamena en une monarchie tempérée pour ne pas dire parlementaire, en tout cas c'en est fini de la monarchie absolue : il y a maintenant un contre-pouvoir solidement établi qui fera dire des chefferies bamilékées qu'elles sont des "démocraties médiévales", un peu comme à la même époque l'Angleterre (Habeas Corpus Act 1679), la Scandinavie (monarchies parlementaires depuis le moyen-âge), la Suisse (démocratie directe cantonale dès le XIV°s), le Mali (charte du Mandé 1222 et de Kouroukan Fuga 1236) sans oublier la Principauté de Liège (Paix de Fexhe 1316, charte signée par les représentants du clergé, des nobles et du peuple avec le prince-évèque établissant des assemblées ecclésiastique (chapitre), noble et bourgeoise (Etat-Thiers), ainsi qu'une cour constitutionnelle dite tribunal des XXII, étant des contre-pouvoirs efficaces contre les risques d'abus du pouvoir princier).
Tabourets rituels d'initiation à Bamena et à Dschang : chaque notable ou initié conserve son tabouret d'initiation personnel à domicile.
5. OUANDJI I° : Ce nouveau souverain sera le premier à fonctionner avec le Conseil des IX ou Kepvueuh, signant la fin de la monarchie absolue et l'émergence d'une assemblée représentant les descendants des fondateurs de Bamena. Ce chef signalé par Jojo, un enfant de la chefferie (1) n'est pas signalé sur le tableau qui se trouve devant la salle du Conseil des Neuf à la Chefferie, car il semble confondu avec le n°4 son père. Ce fait étant assez ancien, je n'ai pas la solution à cette contradiction dans les données : s'agit-il de deux personnes père et fils, ou bien du même personnage ?
(1) Si des enfants de la chefferie, ou des notables bamenas, ou des personnes bien informées peuvent m'éclairer à ce sujet, je les remercie d'avance ! Il y a un formulaire en ligne permettant d'écrire en bas de l'article.
6. KOUAGOUNG : Ce souverain a épousé la reine BLINGOUNG.
7. MEUFEU : Ce souverain, qui avait épousé la reine TCHOUTCHIE, était albinos.
8. NGONGANG I° : Il a épousé la reine NOUNDO.
9. OUANDJI II dit OUANMEPO : Il a épousé la reine MEFEUPOKEP.
10. KOMBOU : Il a épousé la reine OUANKOU.
11. OUANDJI III dit OUANGUEP : Il a épousé la reine KOUASSEU.
12. TOUKEP : Il a épousé la reine DJANGA ; son nom est équivalent au nom "Toukam" chez lez Bafoussam (comme le savant et linguiste Dieudonné Toukam de l'université de Yaoundé ayant travaillé sur les langues bamilékées et particulièrement le Bafoussam).
13. NGONGANG II dit NGOPAYONG (18??-1939) : Il a épousé la reine PAYONG d'où probablement son surnom. C'est ce Roi qui a dû faire face, informé par son confrère le Roi de Bagangté, de l'arrivée des Allemands dans les Monts Bamilékés probablement entre 1895 et 1900. En 1903 suite à la pénétration d'une colonne d'Allemands, le courageux chef supérieur a décidé de ne pas se laisser faire et la guerre est déclarée. Beaucoup de guerriers bamenas sont tués dans cette guerre inégale mais les Bamenas considèrent cette première bataille comme une victoire, car l'un des guerriers réussit à s'emparer du "chapeau du chef des Blancs" ! Ce n'est probablement pas un "casque à pointe" comme nos grands-parents belges en ont tant vu lors de l'invasion allemande de 1914-1918, mais un casque colonial allemand, conservé comme trophée !
J'ignore si le "chapeau" ou casque en question est toujours en possession de la chefferie ? En tout cas voici la photo d'un casque colonial allemand, en vente sur un site en ligne, avec l'aigle impérial prussien imprimé en cuivre, avec la devise MIT GOTT FUR KOENIG UND VATERLAND ou en gothique et c'est ensuite que les Allemands reviennent peu après conquérir le village ; Bamena perd son indépendance et est intégrée au Kamerun, colonie allemande, jusqu'en 1919 !
Ensuite, le Chef supérieur Ngongang II a vécu le transfert de pouvoir entre l'Allemagne et la France puissance mandataire, en 1919 puis a régné 20 ans sous la tutelle française. Il décède la même année que le déclenchement de la 2ème guerre mondiale.
14. OUANDJI IV dit OUANDJI NGONGANG (1939-1968) : Grand-père du chef actuel, a épousé la reine KOANDIO. Contrairement à son prédécesseur qui était quelque peu belliqueux, ce roi a plutôt essayé de calmer les choses et d'éviter un risque de grignotement du territoire par les chefferies voisines. Il a vécu pendant son règne l'essentiel du mandat / de la colonisation français(e) du Cameroun.
15. NIETCHO Jacques (1968-1995) : Père du chef actuel, a épousé la reine TCHAKOUNDIEU. Il fut l'initiateur du développement économique, notamment les premières routes goudronnées, et de l'enseignement, par la fondation d'écoles de l'entité de Bamena.
16. NJOUKWE Alexandre (1995-) : Chef supérieur actuellement sur le trône, il continue le développement économique, social et culturel de Bamena par diverses initiatives de la chefferie et d'autres soutenues par la diaspora. Ainsi par exemple le prix des Nations Unies de 2014 pour le démarrage du projet d'alimentation en eau potable de la population. Son action en matière culturelle a abouti à la création du Congrès International Bamena qui a lieu chaque année au mois d'août.
A gauche, portrait du Chef supérieur dans la salle du "parlement" de la chefferie. Au centre : le Chef supérieur Bamena en présence du Chef Bamena de Yaoundé papa Jean-Paul qui est également président des chefs Bamenas au niveau mondial. A droite, Prix des Nations Unies pour le service public remis à sa Majesté Joukwé Alexandre par Ban Kim Moon, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies le 23 juin 2014 à Séoul en Corée du Sud. Ce prix récompense le village Bamena pour sa mise en place de la distribution de l'eau potable, et sa gestion administrative et financière par les habitants et pour les habitants. Source : site ABE Association Bamena d'Europe http://www.bamena.fr/
Les chefferies de quartier de BAMENA :
Voici les deux cartes connues pour départager les territoires des chefferies de quartier à Bamena, je les publies toutes les deux car il existe quelques divergences :
Il existe actuellement six chefferies de quartier, gouvernées chacune par un chef de quartier héréditaire. En effet contrairement aux forestiers sous l'Ancien Régime en principauté de Liège et au duché de Limbourg en Belgique ancienne qui étaient des officiers de police fonctionnaires nommés par le seigneur hautain (équivalent de chef supérieur), les chefs de quartier préexistaient à la chefferie supérieure, sont plus anciens, par conséquent ont leurs propres dynasties qui fonctionnent comme des chefferies en miniature. Voici les six chefferies de quartier, ainsi qu'en vert une chefferie dont le territoire est contesté entre Bamena et Bagangté mais qui a le droit d'avoir un siège au Conseil de Sept ou "Kepsamba", gouvernement de la chefferie supérieure Bamena.
1. NTAP : Chef fondateur = Feuh Nzeuh ou Feuh Ntap (incertain)
2. LAHNGWEUH : Chef fondateur = Zawang
3. LOUH : Chef fondateur = Zo'oh-Kenou ou Nzo'oh-Kenou
4. FOPLOUH anciennement N'GNOU : Ce quartier comprend FOPLOUH : Chef fondateur = Feuh Ngepah
5. POUZOUH : Ce quartier comprend TOUBIEH : Chef fondateur = Mekep Zacheu
6. MBANGWEUH : Ce quartier comprend TOUHLAH : Chef fondateur = Feuh Tschieh
7. FEUHTAP : Quartier limitrophe contesté par la chefferie de Bagangté, situé dans le fond de la vallée entre Louh et Balengou, fondé par Feuh Ntap également (?)
Remarque : il n'est pas dit si le notable ZAFENG ou Mekep ZAFENG est à l'origine d'une chefferie de quartier, nous n'avons aucune information à ce sujet.
PORTIQUE PRINCIPAL : Les peintures et les boiseries des trois portes principales de l'entrée monumentale de la Chefferie.
PORTIQUE PRINCIPAL : Case avec le tambour, instrument de musique sculpté dans un tronc d'arbre, et portes au Crocodile et au Serpent à l'arrière du portique.
La Langue BAMENA ou "GHO-MENOH" :
La langue Bamena, dialecte bamiléké improprement appelée "patois" par les colons français (terme dévalorisant, repris par les villageois pour définir leur langue, ce qui est regrettable) s'appelle en Bamena : "Gho-Mènoh"
Elle est un dialecte du groupe des langues des Grassfields qui comprennent essentiellement toutes les langues et dialectes bamilékés de l'Ouest, du Sud-Ouest (région de Fontem) et du Nord-Ouest (région de Bamenda) ainsi que la langue Bamoun très apparentée aux parlers bamilékés (spécialement au Bagangté-Médùmba), ainsi que quelques langues nigérianes comme le Tiv et l'Ekoï, et les langues des Tikars et de Cross-River qui y sont apparentées de plus loin.
Le groupe linguistique se nommait dans le passé "semi-bantou" à cause de certaines analogies lexicales et grammaticales avec les langues bantoues, groupe très homogène de langues toutes apparentées dont l'ancêtre, le Bantou commun (il y a deux mille trois cents ans), était une langue soeur du Bamiléké-Bamoun et du Tikar commun, qui aurait divergé il y a probablement plus de quatre mille ans. Depuis lors le terme "grassfields" est privilégié pour définir le groupe linguistique Bamiléké-Bamoun-Bamenda... car le terme "semi-bantou" est inapproprié : comment peut-on être défini comme étant à moitié quelque-chose ? C'est comme si l'on qualifiait l'Allemand, le Néerlandais et les langues scandinaves comme langues "semi-anglaises" parce qu'elles ont un apparentement germanique d'origine avec l'Anglais !
On voit sur la carte ci-dessous reprenant le Bénin, le Nigéria et le Cameroun, que le groupe Grassland en orange foncé (et également les groupes Tikar et Cross-River en orange clair qu'elle distingue du groupe Bamiléké-Bamoun-Bamenda-Tiv-Ekoï...) ont des langues réparties au Cameroun mais aussi de l'autre côté de la frontière du Nigéria avec diverses enclaves. Les langues Bamiléké, Bamoun et Bamenda sont apparentées avec l'Ekoï et le Tiv côté nigérian ainsi qu'avec des enclaves en pays Haoussa près de Yola et Bauchi plus au Nord le long de la rivière Benue !
Carte extraite de Wikipedia : composée par Ulamm — Travail personnel, CC BY-SA 3.0 : https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2983617
Parmi les langues bamilékées, la plus proche du Bamena est vraisemblablement le Bafang dit Féfé ou Nufi parlé dans la ville voisine de Bafang et ses environs. Quoique située dans le département du Ndé, la langue Médùmba parlée à Bagangté semble relativement différente par rapport à celle de Baména, également dans le Ndé, et des villages voisins proches : en atteste les mots "mbépong" signifiant "bon" qui se prononce "mébwo" à Bagangté, "ouh dji-ah ?" signifiant "bonjour" qui se prononce "ou zi a" à Bagangté, et "méh lapseuh" signifiant "merci" qui se prononce "mé labte" à Bagangté.
Voici des sites d'apprentissage de la langue Bamena, valable aussi pour les villages voisins Bangou, Bazou, Balengou, Batchingou, etc ... qui parlent aussi cette langue quoique chacun appelle la langue par le nom de son village, mais c'est la même langue :
Site Menoh-Bamena : https://www.youtube.com/watch?v=bXR5AtB5T1k&list=PLQsqV0BBhfwYJUFqoTJ3EglRjIjLJXSLw&index=1
Site de AF Languages : https://www.youtube.com/watch?v=6_Rvc-7wl2Q&list=PL_yTdI3fjfJGRwHKUwgh_jWewjE-JCt1g
Site de Njoungang David : https://www.youtube.com/watch?v=hR4fQ2xMOUM&list=OLAK5uy_nMecUxw1N5t1CqFqk6Y4OxmVJgR-bnTMk&index=1
Congrès culturel international Bamena édition 2024
Nous avons eu le plaisir et l'honneur d'être accueillis à l'entrée de la Chefferie Supérieure de Bamena, et d'assister à plusieurs activités du Congrès International Bamena qui s'est déroulé la première semaine d'août 2024. Le Président Bamena de Belgique ainsi que Jojo, enfant de la chefferie, nous ont permis de visiter le grand portique principal, ainsi que le "Parlement" de la Chefferie, la salle du Conseil des Neuf - "Kepvueuh" qui sont en réalité beaucoup plus nombreux dans cette assemblée, et nous avons également assisté à un match de football entre deux équipes de la chefferie, match qui s'est déroulé sous le parrainage du Chef Supérieur.
Voici un reportage à caractère musical sur l'édition d'août 2024 du grand Congrès International Bamena : réalisé avec le chanteur Charly Mandengué.