La fondation de la Belgique en 1790 puis en 1830 donne lieu à une énigme héraldique du lion contourné : Voici un lingot d'argent pur à 99,9 % de 500 grammes qui date du XIX° siècle, probablement de la Révolution Belge de 1830 ou bien quelques années plus tard, car il porte comme armoiries : de sable (quadrillage) au lion d'or (pointillés) contourné, c'est-à-dire regardant vers sénestre (la droite pour l'observateur) alors que la plupart des lions "belges" et héraldiques en général regardent de l'autre côté dextre (la gauche pour l'observateur).
Ce fait se retrouve sur le florin d'argent de 1790 des Etats Belgiques Unis (Révolution Brabançonne 1789-1790) ainsi que sur le demi-florin d'argent (X sols), le double liard et le liard de cuivre. Ci-dessus on a le florin (perforé malheureusement pour avoir servi de médaille) à gauche et le double liard au centre, alors que sur le lion d'argent de 3 florins (à droite) le lion, non-contourné, regarde cependant vers l'arrière soit dans la même direction que le lion contourné et ce n'est pas un hasard...
Le même phénomène se retrouve entre 1830 et 1846, sur une médaille des Défenseurs de la Patrie de la Révolution Belge de 1830, sur une médaille "Union Force Révolution Belge" et au congrès du nouveau parti libéral en 1846 dont les députés siègaient dans le Parlement de l'époque élu au suffrage censitaire : ceux qui payaient un quota d'impôts fonciers avaient seuls le droit de voter aux élections soit 1 à 2 % de la population, c'est pour cela qu'on dit qu'avant de devenir progressivement une démocratie entre la fin du XIX° siècle (vote plural 1894) et le milieu du XX° siècle (suffrage universel masculin en 1919-1921 et également féminin dès 1948), le régime politique belge était une oligarchie constitutionnelle bourgeoise.
On remarquera que parfois le lion contourné tient une pique surmontée d'une sorte de chapeau ou de casquette, et parfois ce n'est pas le cas.
On retrouve également cela sur d'autres documents : une décoration militaire conservée de la Bibliothèque Royale à Bruxelles, et un passeport délivré par la commune de Fouron-Saint-Martin en 1833 complété sur un document officiel préimprimé du Régent, le baron Surlet de Chockier, premier chef d'Etat et régent de 1830 à 1831 avant l'élection de Léopold I° comme premier roi des Belges (voir la médaille ci-dessous).
Voici ci-dessus à droite un détail du blason du lingot d'argent au lion contourné présenté au début de l'article, et ci-dessous le document complet du passeport de 1833 dont est extrait le lion contourné ci-dessus tenant la pique surmontée de la casquette.
Le dit passeport contient une étonnante curiosité, alors qu'il a été imprimé avec l'entête de la Régence en 1830-1831, il a été utilisé par la commune de Fouron-Saint-Martin le 26 février 1833 sous le règne de Léopold I° mais porte le cachet communal du régime hollandais avec comme mention étrange "PLAATSELYKE BESTUUR VAN FOURON-SAINT-MARTIN (LUIK)" mélange de Français et de Néerlandais, alors que les élus flamands du parlement belge en 1962 obtiennent le rattachement des Fourons à la province du Limbourg flamand lors du vote des lois linguistiques, et que les Francophones par l'intermédiaire de l'Action Fouronnaise menée par José Happart revendiquaient le retour de l'entité de Fourons à la province de Liège. Le coût de ce document est indiqué par le timbre rouge de 94 1/2 centimes. C'est très précis au demi-centime près !
La question de l'origine de ce contournement n'a pas été résolue. Il existe trois hypothèses toutes vraisemblables :
1. Il s'agit d'une erreur de gravure, tant pour les timbres, le documents et les monnaies et médailles, car si le sculpteur grave le lion dans le sens habituel sur la matrice du sceau ou du coin, il s'imprimera forcément à l'envers sur le papier ou sur le métal, mais c'est difficile de croire à une erreure systématique et persistante que personne n'aurait remarquée !
2. Il s'agit d'une volonté d'affirmer la nouvelle nation belge en rendant son lion identifiable parmi tous les lions héraldiques d'Europe et d'ailleurs, qui sont très nombreux dans la symbolique des Etats et des provinces et ce, jusqu'en Arménie dans l'ancien royaume de Cilicie aux XIII et XIV° siècles en Anatolie orientale et même en Ethiopie avec le lion de Judas sur les monnaies du Négus Ménélik II au XIX° siècle. Le fait que le lion soit contourné sur les monnaies des Etats Belgiques Unis de 1790 comme sur une grande partie des médailles et documents officiels de la Régence en 1830-1831, et accompagnée d'une pique surmontée d'un chapeau ou d'une casquette, rend ce lion révolutionnaire belge très particulier, alors que le lion brabançon héraldique classique du Royaume ne sort pas des sentiers battus de l'héraldique européenne !
3. Il s'agit d'une inspiration provenant de la forme des anciens Pays-Bas de Charles Quint à la fin de la domination espagnole en Hollande, tel qu'il ressort des cartes géographiques magnifiquement illustrées du XVI° siècle dites "LEO BELGICUS", comme celle ci-dessous (source : Sanderusmaps.com)